La Coupe du Monde de la honte
- oikosreimsneoma
- 30 nov. 2022
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 30 nov. 2022
Le 20 novembre avait lieu le match d’ouverture de la Coupe du Monde 2022 au Qatar. Lorsque la température à l’extérieur du stade était de 27 degrés Celsius, la température à l’intérieur de l’infrastructure avoisinait les 20 degrés Celsius : la climatisation des stades à ciel ouvert a été actionnée dès le premier match.
Alors que la compétition sportive n'avait pas encore commencé, l'engouement pour l'événement footballistique n'était pas celui des années précédentes. Les précédentes coupes du monde de football ont été organisées en été, la ferveur était autre, mais le problème ne réside pas dans l’organisation d’un mondial en hiver : cette coupe du monde met particulièrement mal à l’aise en raison des polémiques sociales et environnementales qu’elle suscite.
Le Qatar a été annoncé comme hôte du mondial du football 2022 le 2 décembre 2010. Depuis, les journalistes et les associations ont enquêté sur l’organisation d’un tel événement non-propice à être accueilli par un pays de la région désignée. Entre polémiques sociales et environnementales, et ce que le Qatar aime appeler le « Qatarbashing », rarement un tel événement avait généré de tels débats. Pourtant, le pays moyen-oriental affiche une vitrine verte concernant l’élaboration de la coupe du monde : entre l’utilisation de matériaux recyclés et recyclables pour la construction des stades, l’électricité provenant de l’énergie solaire, et la mise en place de bus électriques pour transporter les supporters, le Qatar met tous les moyens en place pour afficher une image verte au reste du monde. Seulement, nul n’est dupe. Le pays est aujourd’hui accusé de greenwashing et pour cause, derrière l’aménagement de bus électriques, il faut prendre en considération les « vols navettes » introduits pour conduire les supporters jusqu’aux stades. En effet, le pays aux 2,8 millions d’habitants n’est pas dans la capacité d’accueillir les 1,8 millions de fans attendus en termes de logement. Dès lors, un partenariat passé avec Qatar Airways (un des sponsors de la coupe du monde) permet aux touristes logés dans les régions limitrophes d’accéder aux matchs de la compétition. L’ONG Greenpeace a estimé un mouvement quotidien de 2000 avions : une aberration écologique lorsqu’on considère l’empreinte carbone désastreuse et l’impact d’une telle organisation sur le climat.
En dehors des moyens de transports générés par l’événement, il se pose le problème des infrastructures construites. Les routes, les lignes de métros et les stades (sept nouvellement construits pour huit utilisés) ne serviront plus une fois la compétition close – contrairement à ce qu’assure le Qatar –. Par ailleurs, puisque le développement durable ne comprend pas seulement l’aspect écologique, comment ne pas évoquer la catastrophe sociale que la Coupe du Monde a engendrée ? Alors que le pays ne reconnaît que la mort de 37 ouvriers lors de la construction des infrastructures, le chiffre est amplement critiqué par les associations et les journalistes : on estime le nombre de décès liés à l’événement à une hauteur de 6500. Les travailleurs ont œuvré dans des conditions scandaleuses selon les enquêtes menées : un travail réalisé sous une chaleur écrasante et des passeports confisqués aux ouvriers étrangers.
De telles polémiques ont poussé de nombreuses personnes à s’interroger : faut-il boycotter cette Coupe du Monde ?
L’ancien footballeur Éric Cantona a annoncé qu’il boycottait l’événement en raison des polémiques citées précédemment : un geste fort qui a beaucoup fait parler. Seulement, le mal ayant été fait, les associations (comme Greenpeace) invitent aujourd’hui essentiellement les supporters à ne pas se rendre sur place mais a profité de l’événement sportif depuis leurs retransmissions télévisées. Pour protester contre les désastres actés par le Qatar, le geste le plus symbolique demeure le suivant : le refus des personnalités publiques de se rendre à l’événement. Quelques jours avant le début de la compétition, la chanteuse Dua Lipa s’était d’ailleurs exprimée pour démentir les rumeurs sur sa potentielle présence à la cérémonie d’ouverture via un tweet : “Il y a beaucoup de rumeurs sur le fait que je vais chanter à la cérémonie d’ouverture de la Coupe du monde au Qatar. Je ne vais pas le faire et je n’ai jamais été en négociations pour ça. Je vais encourager l’Angleterre de loin et j’ai hâte de visiter le Qatar lorsqu’il aura rempli toutes les promesses qu’il a faites en matière de droits humains quand il a obtenu le droit d’accueillir la Coupe du monde.”
Par ailleurs, une autre question subsiste quant à l’organisation des futurs événements sportifs de cette ampleur : Quel est l’avenir de telles compétitions dans un monde de plus en plus confronté à l’enjeu climatique ?
Le Qatar se situe dans une région fortement confrontée aux enjeux climatiques. Depuis plusieurs années, l’Afrique et le Moyen-Orient sont de plus en plus impactés par les pénuries d’eau et l’insécurité alimentaire. De plus, le facteur de l’augmentation des températures est également à prendre en considération : des rapports ont montré que la température dans la région, l’été, avait augmenté de 2 à 3 degrés Celsius depuis le début du siècle précédent. Cette forte augmentation suscite notre intérêt quant à l’organisation de futurs événements sportifs de grande ampleur. De telles compétitions peuvent difficilement être neutres en carbone, mais il ne faut pas, cependant, se fermer à toute proposition progressiste concernant la question. Nous pourrions faire le choix de ne plus construire d’infrastructures pour ce type d’événement, et accorder les jeux sportifs aux pays qui sont en mesure de le faire. Après la catastrophe sociale et écologique des jeux olympiques de 2016 à Rio de Janeiro, de la Coupe du Monde 2022 au Qatar, peut-être est-il venu le temps de contester les aberrations environnementales et humaines que susciteront les jeux d’hiver asiatiques organisés en Arabie Saoudite en 2029 – des épreuves organisées dans des lieux artificiels et qui bafoueront sûrement les droits humains – ? Bien qu’une telle décision reviendrait à exclure certains pays de la possibilité d’organiser de tels événements, pouvons-nous réellement agir autrement dans le contexte climatique actuel ? Enfin, il ne suffit pas d’accorder ces jeux aux pays qui sont en mesure d’en être les hôtes : le mondial du football de 2026 qui se tiendra en Amérique du Nord est moins problématique étant donné que le Canada, les Etats-Unis et le Mexique sont des nations contenant d’ores et déjà les infrastructures nécessaires, mais les voyages à travers les trois pays pour suivre les différents matchs compromettent, une fois de plus, l’image d’une telle compétition. Le véritable remède pour conserver de tels événements sportifs serait donc de les organiser dans un seul pays où les infrastructures sont déjà présentes.
Audrey Pouget
Sources : France24, BFM, LeMonde, Greenpeace, Le Figaro
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